Réponse
Tes mots m'ont fait pleurer, ils sont comme des flèches qui percent ma muraille de Chine qui m'entoure depuis tant d'années !
Je te remercie d'avoir écrit ces mots magnifiques. Je ne sais pas si je mérite ce que tu me donnes, en tout cas, j'ai pleuré en lisant ces mots, surtout quand tu écrivais : "J’ai le sentiment que par moments, tu t’acharnes à te fracasser la tête contre le mur du plus fort que tu peux. Peut-être que dans ces moments-là, ça change la douleur de place et que ça te fait moins mal à l’âme." C'est tout à fait cela : j'ai vécu depuis des années comme un rat ! Depuis ce jour où menotté, je suis emmené en prison pour réparer le mal que j'ai fait. Et plus le temps passe, plus j'ai l'impression que ces fautes du passé vont me rattraper de nouveau, et que le rat sera écrasé comme il faut pour que la justice soit faite. Depuis des années, je ne savais plus en vue de quoi je vis, et pour qui je vis. Ma famille doit êre malheureuse d'apprendre tout ce que j'ai fait avec le diable au corps et un statut d'homme respectable en surface. J'ai mal d'avoir fait tant de mal, et je n'arrive plus à voir le bien en moi. J'essaie de prier, j'essaie d'apprivoiser cette tristesse, cette douleur indescriptible présente en moi, mais je n'arrive pas !
Plusieurs fois, surtout au décès de mon père puis celui de ma mère, j'ai préparé pour quitter ce monde, pour ne plus avoir ce mal qui me ronge jusqu'à l'os... et à la dernière minute, j'ai renoncé à ce pas décisif, peut-être par lâcheté, peut-être par peur de l'inconnu qui m'attend, ou peut-être en pensant à toute la détresse que je vais infliger à quelques personnes dans ce monde, dont tu fais partie.
Je ne savais pas comment dire cette souffrance, mais je crois que ceux qui ne peuvent plus vivre normalement à la sortie de prison me comprennent : on ne vit plus comme avant avec cette marque au fer rouge sur de front de l'âme. À cause de mes fautes, je ne peux plus aller voir mes frères et soeurs et leurs familles. Un condamné pour les questions de sex, ça se pardonne pas dans ce pays des purs ! Et je vais peut-être mourir sans voir mes nièces, celles qui ne sont jamais venues en France avec leurs parents. Je vis enterré dans une solitude voulue, peur de croiser les visages qui peuvent reconnaissent le mien, peur d'être la honte de tous ceux qui m'entourent... Et petit à petit, je ne vois pratiquement personne, le mur se dresse pour qu'une prison invisible se coustruise, comme une pénitence, comme une réparation perpétuelle... Je pleure, je hurle ma détresse, je haïs mes fautes et j'ai honte de ce que j'ai fait... Je fais rire les autres au travail le jour et laisse mes larmes couler la nuit...
Chaque jours je fais trois Je vous salue, Marie : le premier c'est pour tous ceux à qui je fais le mal et envers qui j'implore le pardon dans les larmes et dans la douleur d'un coupable qui ne peut pas changer le passé. Le deuxième c'est pour tous ceux qui restent encore en lien avec moi : une partie de ma famille, quelques visages bienveillants qui me gardent en vie et ceux que je vois au travail ou en paroisse... Le troisième c'est pour tous ceux qui ont quitté cette vie : bien sûr mes parents mais aussi tous ceux qui m'aimaient ou qui ne m'aimaient pas lors de leur vie sur terre.
Tu vois, ma vie, ma foi sont si ténues, elles ressemblent à une lampe qui peut s'éteindre à tout moment.
Pardon si je te déçois avec ces mots ! Je voulais être vrai avec toi. Pour l'instant, j'essaie de survivre, en croyant que ce Dieu de l'impossible en qui je mets ma confiance peut faire quelque chose mais je ne sais pas quoi. J'essaie de ne pas céder à la tentation de tout lâcher quand la douleur est trop grande, quand ma tristesse d'être incapable de changer quoi que ce soit du mal que j'ai fait m'écrase, quand le remord d'avoir été si insconcient, si naïf face aux chants doux du diable, celui qui me disaient qu'il n'y a rien de mal dans ce que j'ai fait, me réduit en miettes... Mais soyons francs, ce n'est pas la faute du diable, c'est la mienne de l'avoir écouté ! Et je demande la grâce d'être honnête pour ne plus camoufler le mal commis avec les belles phrases comme je l'ai fait pour séduire, pour me faire aimer, pour montrer que je suis capable d'être aimé en séduisant, en possédant... J'ai tellement désiré être aimé au lieu d'apprendre à aimer sans retour !
C'est moche, mais c'est ma vie, et que deviendra-t-elle, je ne sais pas ! Mais je vais vire les 24 heures qui viennent le mieux possible, je te le promets.
Je t'embrasse, chère amie. Et pardon encore.