Dépouillement
Merci, Seigneur, pour cette grâce du dépouillement.
Comment je peux vivre sans colère ni révolte sans ton aide alors que tout m'est enlevé au fur et à mesure des mois écoulés ?
J'ai compris comment c'était horrible pour toi quand tu t'es laissé dépouiller de tes vêtements avant la crucifixion.
J'ai cru saisir la tristesse et la douleur indescriptibles quand ton corps nu se dévoilait aux yeux de tous.
Tu n'as pourtant rien fait de mal.
Et tu n'as pas manifesté un seul signe de colère.
Tu n'as pas dit un mot de révolte.
Comment as-tu pu agir de cette manière ?
Je cherchais, et je crois qu'il n'y avait pas beaucoup d'explications possibles :
Sois tu es fou, tu as perdu la tête, et alors tu n'es plus un vrai homme ! Dans ce cas, désolé, mais ça ne m'intéresse pas vraiment.
Sois tu as trouvé un sens à ce choix radical qui entraîne l'absence de colère et de révolte.
Dans ce cas, quel est ce sens ? Et comment l'as-tu trouvé ?
C'est vrai, tu t'es quand même plaint en criant : "Mon Père, pourquoi m'as - tu abandonné ?"
Mais si je me souviens bien, c'est quand même toi qui lui as demandé pardon pour tes bourreaux, comme si je fais la bise à ma copine qui vient de me plaquer pour un autre en lui disant que je l'aime toujours !
Oui, je crois que c'est ça : tu nous aimes trop. Tu aimes à la folie tous les hommes que tu pardonnes même à ceux qui t'ont cloué sur le bois.
C'est faisable pour toi parce que tu es le Fils de Dieu, mais nous, alors, pas question !
Celui qui me faisait un coup vache, il avait intérêt de ne pas me croiser sous peine de représailles au centuple.
Pourtant, aujourd'hui, je te remercie de m'avoir permis de faire un peu comme toi.
J'ai fait des fautes, et je me fais dépouiller de tout ce qui est le plus cher pour moi, à bientôt soixante balais, c'est quand même dur, tu ne trouves pas ?
Et tu m'as donné cette foutue capacité d'accepter de bon coeur ce déshabillage en règle.
Et tu m'as "dit" que c'est ça aimer pour de vrai, quand on peut aimer ceux qui nous font du mal !
Le plus fort, c'est que depuis je te laisse me désarmer, depuis que je ne veux plus vivre avec la colère ou la révolte quel que soit le coup dur subi, je dois avouer que je vis pas trop mal, voir même mieux !
Bien sûr, il m'arrive de pleurer dans la nuit parce que je n'ai toujours pas pigé grande chose dans cette histoire, et que la peur pour l'avenir me coupe les tripes en rondelles.
Même là, ta présence "dans mon esprit" m'apaise.
J'ai cru comprendre que la galère dans laquelle je me trouve, c'est aussi la tienne, à une différence près, comme disait le bon larron à côté de toi : tu n'as rien fait alors que nous, nous méritons ce qui nous arrive.
Et tu as choisi cette galère pour être avec moi, pour me dire que tu m'aimes plus que tout.
Si c'est ça le sens de ton consentement, merci de me le donner.
Je ne veut pas l'affirmer, cette option. Je veux tout simplement croire en toi, croire en ton amour fou, croire que tu es avec moi dans ma galère.
Et avec ta présence à mes côtés, je n'ai plus besoin de râler, de rouspéter, de crier au scandale, de m'en vouloir à la terre entière.
Avec toi, je peux vivre dans le dépouillement, pour aimer, en aimant.
Qu'en penses-tu, Seigneur ?